20 septembre 2017

La Chine envisage un nouvel ordre mondial s’appuyant sur un marché du pétrole soutenu par l’or


La Chine devrait prochainement lancer un contrat à terme sur le pétrole brut, évalué en yuan et convertible en or, une initiative que les analystes présentent comme pouvant transformer ce secteur.

Ce marché pourrait devenir le prix de référence du pétrole brut le plus important en Asie, étant donné que la Chine est le plus grand importateur de pétrole au monde. Le pétrole brut a généralement un prix basé sur les contrats à terme intermédiaires du Brent ou du West Texas, tous deux libellés en dollars américains.

Cette initiative chinoise permettra aux exportateurs comme la Russie et l’Iran de contourner les sanctions américaines en commerçant en yuan. Pour mieux favoriser ce commerce, la Chine déclare que le yuan sera entièrement convertible en or sur les marchés des changes de Shanghai et de Hong Kong.

« Les règles du jeu mondial concernant le pétrole pourraient commencer à changer énormément », a déclaré Luke Gromen, fondateur d’une société de recherche en macroéconomie basée aux États-Unis, la FFTT.

Le Shanghai International Energy Exchange a commencé à former les utilisateurs potentiels et est en train d’effectuer un grand nombre de tests à la suite de sa mise en place qui s’est faite en juin et juillet. Ce sera le premier marché chinois de contrats à terme sur les matières premières ouvert aux fonds de pension, sociétés commerciales et sociétés pétrolières étrangères.

La plupart des importations de brut en Chine, en moyenne environ 7,6 millions de barils par jour en 2016, est achetée par des contrats à long terme entre les principales compagnies pétrolières chinoises et les compagnies pétrolières étrangères. Des transactions se déroulent également entre les grandes compagnies chinoises et les raffineurs chinois indépendants, et entre les grandes compagnies étrangères et les entreprises de trading internationales.

Alan Bannister, directeur pour l’Asie de S & P Global Platts, un fournisseur d’informations sur l’énergie, a déclaré que la participation active des raffineurs indépendants chinois au cours des dernières années « a créé un marché de participants domestiques plus diversifié, créant un environnement dans lequel un tel marché est plus susceptible de réussir ».

La Chine veut depuis longtemps réduire la domination du dollar américain sur les marchés des matières premières. Les contrats à terme sur l’or, libellés en yuan, sont négociés au marché du Shanghai Gold Exchange depuis avril 2016, et cette place boursière envisage de lancer ce produit à Budapest, plus tard dans l’année.

Des contrats en yuan sur l’or ont également été lancés à Hong Kong en juillet, après deux tentatives antérieures infructueuses, car la Chine cherche à internationaliser sa monnaie. Ces contrats ont été modérément couronnés de succès.

L’existence de contrats à terme en yuan sur le pétrole et l’or signifie que les utilisateurs auront l’option d’être payés en or physique, déclare Alasdair Macleod, responsable de la recherche chez Goldmoney, une société de services financiers basée sur l’or de Toronto. « C’est un mécanisme susceptible d’attirer les producteurs de pétrole qui préfèrent éviter d’utiliser des dollars mais qui n’étaient pas prêts à accepter des paiement en yuans pour la vente de pétrole à la Chine ».

Ces contrats sur l’or libellés en yuan auront des implications importantes, en particulier pour des pays comme la Russie et l’Iran, le Qatar et le Venezuela, a déclaré Louis-Vincent Gave, directeur général de Gavekal Research, une société de recherche financière basée à Hong Kong.

Ces pays seraient moins vulnérables à l’utilisation du dollar comme « arme économique » par Washington quand ils subissent la politique étrangère des États-Unis, a-t-il déclaré : « En créant un marché de l’or réglé en renminbi [un nom alternatif pour le yuan], la Russie peut maintenant vendre du pétrole à la Chine contre du renminbi, puis utiliser l’excédent de monnaie qu’elle gagne pour acheter de l’or à Hong Kong. En conséquence, la Russie n’a pas besoin d’acheter des actifs chinois ou de l’échanger en dollars. »

Grant Williams, un conseiller de Vulpes Investment Management, un sponsor de hedge funds basé à Singapour, a déclaré qu’il s’attendait à ce que la plupart des producteurs de pétrole se réjouissent d’échanger leurs réserves de pétrole contre de l’or. « C’est un moyen de transformer le liquide noir en métal jaune. C’est un mouvement stratégique que d’échanger du pétrole pour de l’or, plutôt que pour des bons du Trésor des États-Unis, qui peuvent être imprimés sans garantie », nous dit-il.

Parts de marché

La Chine a indiqué aux producteurs que ceux qui sont heureux de lui vendre en yuans bénéficieront de plus d’opportunités commerciales. Les producteurs qui ne vendront pas en yuan à la Chine perdront leur part de marché.

L’Arabie saoudite, un allié américain, en est un exemple. La Chine lui a proposé de lui payer son pétrole en yuan, fin juillet, selon les médias chinois. Nous ne savons pas encore si l’Arabie saoudite va céder à son plus grand client, mais Pékin a déjà réduit la part de l’Arabie saoudite dans ses importations totales, qui est passée de 25% en 2008 à 15% en 2016.

Les importations chinoises de pétrole ont augmenté de 13,8% en glissement annuel au premier semestre de 2017, mais les approvisionnements venant d’Arabie saoudite ont progressé de 1% en glissement annuel. Dans le même délai, les envois de pétrole russes ont bondi de 11%, faisant de la Russie le premier fournisseur de pétrole à la Chine. L’Angola, qui a fait du yuan sa deuxième monnaie légale en 2015, a dépassé l’Arabie saoudite avec une augmentation de 22% des exportations de pétrole vers la Chine au cours de la même période.

Si l’Arabie saoudite accepte les yuans pour payer le pétrole, déclare Gave, « Washington aura du mal à l’avaler et le Trésor américain verra cela comme une menace pour l’hégémonie du dollar (…) et il est peu probable que les États-Unis continueront à approuver les ventes d’armes modernes à l’Arabie saoudite et la protection intégrée de la Maison des Saoud [la famille dirigeante du royaume] qui les accompagne. »

L’alternative pour l’Arabie saoudite est aussi peu appétissante. « Le fait d’être expulsé du marché chinois voudra dire être obligé de déverser des stocks de pétrole excédentaires sur la scène mondiale, assurant ainsi un faible prix qui continue pour le pétrole », nous fait remarquer Gave.

Mais le royaume trouve d’autres façons de rester en contact avec la Chine. Le 24 août, le ministre saoudien de l’Économie et de la Planification, Mohammed al-Tuwaijri, a déclaré à Jeddah que le gouvernement envisageait la possibilité d’émettre des bons du trésor libellés en yuan. L’Arabie saoudite et la Chine ont également convenu d’établir un fonds commun d’investissement de 20 milliards de dollars.

En outre, les deux pays pourraient cimenter leur relation si la Chine devait investir dans l’offre publique initiale prévue de 5% des parts dans Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale de l’Arabie saoudite. Cette vente devrait être la plus grande jamais faite, même si les détails sur le lieu d’inscription et l’évaluation sont encore insuffisants.

Si la Chine devait investir dans Saudi Aramco, le prix du pétrole saoudien pourrait passer du dollar américain au yuan, remarque Macleod. Sur le plan crucial, « si la Chine peut se lier Aramco, avec la Russie, l’Iran et autres, ils auront une influence sur près de 40% de la production mondiale et pourront progresser dans leur désir de virer le dollar pour le remplacer par le yuan », nous dit-il.

La Chine s’efforce également d’établir d’autres marchés de référence, sur le gaz et le cuivre, car Pékin cherche à transformer le yuan en la monnaie commerciale naturelle pour l’Asie et les marchés émergents.

Les contrats à terme en Yuan devraient attirer les intérêts des investisseurs et des fonds, tandis que les majors pétroliers étatiques, tels que PetroChina et China Petroleum & Chemical (Sinopec), fourniront des liquidités pour assurer le commerce. Les entités enregistrées localement de JPMorgan, une banque étasunienne, et UBS, une banque suisse, sont parmi les premières à obtenir l’approbation pour négocier le contrat. Mais il est entendu que le marché sera également ouvert aux investisseurs particuliers.

Damon Evans

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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